Pascal MARTIN

St-Maixent-l'École 29/10/1955 — St-Michel 24/04/2017
— CANI, était un motocycliste au sens noble du terme : caractère amical, rouleur inlassable, organisateur instinctif, mécano rigoureux, il avait su garder son âme motarde à travers les décennies.
Que ce soit pour les clubs ou les bécanes il était non-exclusif : Kreidler, Sanglas et bien d'autres marques inhabituelles, quant aux clubs les Ramoutchos, les Gaulois, Clan Sanglas (créateur) et MCP Top Case et bien-sur les Gueux d’Route, Ramassis et Chevaliers Errants.
Il se passionnait pour l’organisation de rassemblements : Top Case Treffen à Combs-la-Ville, réunion Kreidler où Zundapp.
Il avait pour projet d’ouvrir un musée à Rochechouart dans une ancienne chapelle.
Il nous a quitté en 2017.

— C’est Philippe Dakskobler, dit Charly de Dako, qui nous raconte, avec son humour quelquefois caustique, sa rencontre avec Cani. Ce texte m'a été transmis par Étienne Godart (alias pioupiou). SANGLAS (et sans reproche ?)
Dans la famille piège à soupapes, j'ai eu un Sanglas 500 S2. Pour ceux qui ne connaîtraient pas le bestiau, c'est un mono culbuté dérivé d'un 400 antédiluvien (ma poule) qui équipait la flicaille espagnol du temps de Franco.
Ils ont relooké la bête dans les années 70 pour tenter de relancer les ventes, peine perdue… Il existait à l'époque une Confrérie Sanglassiste Française sous l'impulsion d'un illuminé comme on en trouve peu.
Au lieu de se dire bonjour, on lançait :
- « No Pulsar… » et l'autre répondait :
- « Sin Descomprimir »
Le Gourou considérait que la seule huile valable était une monograde dont la viscosité m'échappe et il remuait ciel et terre pour trouver des fournisseurs. Le truc c'est qu'il était le seul à avoir aligné des dizaines de milliers de km sans tout prendre dans la quiche.
Le jour où j'ai roulé avec lui, j'ai compris que c’était pas forcement grâce à l'huile. Même avec un piston en cristal, il aurait pas cassé.
Jamais vu un mec rouler sur des œufs à ce point… Quand j'y repense… faut que je vous raconte !

FAUT QUE JE VOUS RACONTE
C'est au Havre dans les années 80 que Moto-Casse a ouvert. Tenu par 2 tarmots du patelin, Nestor et sa mouche à cambouis. Nestor était déjà une figure du milieu biscotte quand tu l'avais vu une fois tu l'oubliais pas. Un tout petit bonhomme avec une tronche patibulaire, mais au guidon c'était pas un manche.
Je me souviens qu'il avait acheté une Goldwing dans l'idée d'atteler. Le temps de trouver un panier il roulait en solo. Ses panards atteignant tout juste les repose-pieds, pas question de maintenir l'enclume à l’arrêt. La technique nestorienne consistait à sortir la latérale en roulant et se poser dessus. Pour repartir au feu vert, première, grand coup du cul à droite pour décoller la béquille et gaz. Il a roulé en ville comme ça pendant quelques mois, et personne ne l'a jamais vu se bourrer… Respect.
Forcément, son bouclard m'attirait comme un aimant. On pouvait fouiller pénard dans le bordel de brélons, démonter presque tout ce qu'on voulait et au passage à la caisse c'était jamais le coup de fusil. Le bonheur…
Dans la pénombre tout au fond, sous une grosse couche de poussière, un Sanglas. L'engin appartenait au voisin, appelons le Mr Chpounz, proprio d'une entreprise de Chaipukoi et brocanteur. Il n'avait jamais roulé avec, de mémoire c'est ce qui restait d'un lot acheté à la salle des ventes. À l'ouverture de la casse Chpounz n'a eu qu'a pousser sur quelques mètres pour que le Sanglas soit en dépôt vente.
Je crois qu'il en voulait 5000 F [ndlr : 1400 € de nos jours]. Çà faisait cher pour un truc inconnu et plein de poussière que personne n'avait vu rouler.
Deux ou trois ans plus tard, il y était toujours, dans le même état, dépôt vente = pas touche.
C'est à ce moment, suite à une sortie de route destructrice pour ma 250 MZ, que j'ai commencé à tourner autour. Nestor était fortement motivé pour s'en débarrasser car les affaires marchaient bien, et il manquait de place. Il ne voulait pas que je négocie en direct avec le proprio, la tractation à donc commencé à distance. Je suis revenu plusieurs fois discutailler, j'ai sorti la brèle, je l'ai ausculté au max. J'ai même descendu un petit voyant de tableau de bord par le trou de bougie pour voir l’intérieur du cylindre ! Çà semblait nickel.
J'étais au taquet, mais ça traînait car le proprio ne voulait pas descendre en dessous de 3500 et moi pas monter jusque-là. Çà c'est terminé de façon surréaliste : moi au fond à côté de la brèle, le proprio qui ne voulait pas me parler à l'entrée, et Nestor qui faisait la navette de lui à moi et de moi à lui. Le mauvais faisait de grands gestes et hurlait à mort. Nestor a fini par lui dire que j’étais le seul client sérieux depuis 3 ans et qu'il avait pas l'intention d'attendre 3 ans de plus. Il a calculé le montant du gardiennage et l'autre, furieux, a lâché l'affaire à 2000 F [ndlr : environ 550 €] avant de partir en claquant la porte. Banco !
La carte grise n'étant pas sur place, j'ai lâché 500 F à Nestor et suis parti en poussant le mono, bien conscient que l'autre malade pouvait changer d'avis d'une minute à l'autre. Dans les semaines suivantes je suis revenu avec le solde, mais Nestor n'avait pas récupéré le carton. Je suis allé directement à côté voir la secrétaire/comptable/maman du proprio. Elle a cherché dans les fafs, mais n'a pas trouvé le carton. Elle a promis de chercher plus tard. Je voyais bien qu'elle était pas très motivée.
Je suis revenu 2 ou 3 fois. Promesse de chercher jamais tenue, comportement de fuite, arguments évasifs. Merde comment je vais trouver une carte grise de Sanglas moi ? J'ai fini par lui mettre les 1500 F en petites coupures sous le nez :
- « Je vous propose tout cet argent contre un bout de papier, pourquoi ça n'intéresse ni vous ni Mr Shpounz ? »
Sous pression, elle a finit par me lâcher l'histoire : Son fiston était aussi proprio d'un bar de nuit pas trop bien fréquenté et peu apprécié de la maréchaussée. Quelques mois auparavant la tension était montée d'un cran car il avait collé un bourre-pif à un pandore venu faire le mariole dans son rade. En attendant le jugement, les bœufs lui faisait toutes les misères possibles, notamment bloquer les cartes grises. Donc le carton elle l'avait pas, et le duplicata elle l'aurait jamais.
J'ai su bien des années après que le Schpounz me classait dans son estime entre la chaude-pisse et la diarrhée verte : Nestor ayant engourdi les 50 sacs, il l'avait eu bien profond, se retrouvant Sanglas et sans pognon.
Il ne désespérait pas de me mettre la main dessus un jour…
Entre temps, j'avais remisé le mono problématique et quitté Le Havre. C'est à Paname, 3 ans après, que j'ai remis l'ouvrage sur le métier en passant une petite annonce dans LVM : Cherche CG ou épave de Sanglas 500 S2.

CANI
C'est comme ça que j'ai eu mon premier contact avec El Presidenté, qui se présentait sous le nom de Père Cani.
Un phénomène… Il a fallu lui conter toute l'histoire, et lui filer le n° de série, l'animal étant méfiant de nature. Il voulait aussi connaître mon signe du zodiaque, confirmant mes pires craintes au sujet de sa santé mentale : Gémeau ? - « Pas de problème, les gémeaux ont toujours le coté associatif bien développé. »
C'est comme ça que je me suis retrouvé membre de la Confrérie Sanglassiste Française, moi qui rêvait d’être apatride et n'avait jamais adhéré à un moto-club ou une quelconque assoce. Le pauvre n'a pas été très satisfait de mon côté associatif…
Nous étions une vingtaine de confrères, avec jamais plus de quelques brélons en état de marche en même temps.
« No Pulsar Sin Descomprimir » était le cri de ralliement, c'était écrit en caractères gras à côté du bouton de démarreur.
Le Père Cani était postier au centre de tri de Combs-la-Ville (Seine-et-Marne) à coté de Melun, donc à quelques coups de gaz de Paname. Pratique pour moi.
Selon ses propres instructions, on lui écrivait sans jamais mettre de timbre et toutes les bafouilles arrivaient nickel, interceptées directement par le récipiendaire.
Il était éperdument amoureux d'une postière qui le lui rendait bien, et ils rêvaient d'avoir de nombreux petits postiers. Hélas, à l'instar d'une divinité fantasque, La Poste qui les avaient généreusement unis les avaient aussi séparés : la dulcinée était affectée au centre de tri d’Angoulême (Charente).
Le Père Cani se tapait donc de fréquents aller-retour, chevauchant son rarissime destrier, un 500S. Bien placés pour connaître les lenteurs et aléas de l'Administration, ils avaient tous deux demandés leurs mutations, lui à Angoulême et elle à Combs-la-Ville, étant entendu que, dès qu'un des deux serait muté, l'autre annulerait sa demande. Peut importe de vivre dans le 77 ou en Charente, l'essentiel c'est d’être ensemble. Ils ont attendu 10 ans ! Le croirez-vous ? Ils ont reçu leurs mutations exactement en même temps, empêchant tout recours. Il s'est retrouvé à Angoulême, elle à Combs-la-Ville.
De quoi se la couper en rondelles et se la servir en salade non Leur amour, écrasé par le poids du destin, n'a pas survécu.

CANI, DU TEMPS DES GUEUX
Le père Cani, je l'ai un peu connu du temps des Gueux d'Route, une confrérie de crasseux d'environ 200 membres répartis sur tout le pays. Du temps des concentres pirates, c'était le Graal d'en faire partie. Pour y entrer, fallait être adoubé par 2 parrains. Et comme il n'y avait que des… ben, je sais pas comment dire, des mecs spéciaux, forcément ça sélectionnait sévère.
Je me souviens de la concentre des Brouettes Speed à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), où j'ai eu le plus grand mal à trouver le lieu car j'étais arrivé le nuit (je bossais le samedi jusqu'à 18h, et ce genre de concentre n’existait que l'hiver, d'où mes capacités ensuite à rouler la « nouit » en 24h et en rallyes. Et les gens du patelin avaient enlevé le fléchage : les flèches c'étaient des bites avec une paire de roubignolles !
La plus grosse coupe est allé à un certain Mignon bien connu dans l'Ouest. C'était la coupe de la plus belle bite. - « Ah la belle nouille » qu'il disait en mettant son engin dans ton assiette. La grande classe quoi.
Et le Cani, il organisait la concentre de Combs-la-Ville.
Son truc à lui, c'était pas le mode crasseux : il avait un penchant pour les honneurs, les titres, les médailles, les coupes.
Propre sur lui façon Denis Sire, il avait toujours une casquette en cuir (je crois) vissée sur la tête, il devait dormir avec.
Il est décédé il y a moins de 5 ans.
  |  2021

Bois Renard 80

[source Gueguette]

Combs-la-Ville 73

[source Schirmayer]

Combs-la-Ville 73 Cani au milieu

[source Schirmayer]

Touareg

[source Fanfan26]

au rassemblement des Vieux de la Route

[source C Michel]

aux Parigots vers 1997/1998, il me semble...

[source G Guibert]

son chop Sanglas chez Biscotte en Vendée vers 93/94

[source G Guibert]
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